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La connaissance de l’histoire de l’Annexion, indispensable étape dans la prise de conscience de l’identité savoisienne

27 Juin 2021, par Reybaz

Au terme du précédent article dans lequel l’identité de la Savoie a été analysée. On peut affirmer que la Savoie n’est ni le Piémont qui fut aussi longtemps une terre de la maison de Savoie; ni l’Autriche qui est aussi une terre alpine mais germanique; ni la Suisse) romande qui partage cette francophonie et le caractère alpin sans avoir eu de relation aussi longue avec la dynastie des Savoie.
Le seul territoire pouvant revendiquer exactement la même triple influence est la Vallée d’Aoste. Mais située sur la partie Sud des Alpes, la Vallée d’Aoste a une couleur particulière qui diffère de la Savoie. Ce territoire est néanmoins en quelque sorte notre sœur. La Vallée d’Aoste a un statut de région autonome en Italie qui reconnaît ainsi son identité très particulière. Ce serait déjà une étape redoutablement efficace d’accéder pour la Savoie (les deux départements savoisiens et le Pays de Gex) à un statut équivalent de région autonome avec un gouvernement propre.

Comment donner aux Savoisiens le goût et la possibilité de retrouver, de renouer et de refonder leur identité ? Aujourd’hui cette identité est soit complètement perdue, soit caricaturée : montagne, tartiflette et manne frontalière. Les jeunes Savoisiens d’origine se composent eux-mêmes souvent volontairement une image de paysan un peu lourdaud face au Monchu (1) qui vient envahir nos montagnes.

(1) Monchu désignait autrefois le bourgeois, le noble, le Mons (Monsieur) d’un village ou d’une contrée. Par extension, le Parisien imbu de lui-même.

Par pitié, qu’ils arrêtent ! Que nous sommes loin de la véritable identité savoisienne ! Vous n’êtes pas des paysans lourdauds, vous êtes des fils de Savoie, héritiers d’une histoire millénaire, des hommes libres et fiers courant les montagnes.

Les mouvements indépendantistes se ridiculisent eux aussi dans des actions stériles, mal préparées et décalées. Le début de la fin de la Ligue Savoisienne fut sa participation aux élections régionales. Le parti 100% Savoie veut œuvrer au sein d’un système républicain déliquescent. Non, il faut d’abord reconquérir les cœurs des Savoisiens eux-mêmes et leur proposer autre chose que la tartiflette (qui rappelons-le n’est pas un plat traditionnel de Savoie mais une invention marketing) ou d’être classé à l’ONU comme une minorité en danger de disparition. La Savoie, son peuple et ses princes furent des acteurs majeurs de l’histoire européenne pas un peuple folklorique que viennent visiter des touristes parisiens …

Le Savoisien, conservateur, politiquement légitimiste, à l’esprit pragmatique et juridique est tout sauf un révolutionnaire. Ce n’est pas en vain que la Savoie a donné au monde un des plus grands penseurs du conservatisme en la personne de Joseph de Maistre. Nous ne ferons pas l’indépendance de la Savoie sur un fondement révolutionnaire ou utopique. Nous la ferons en refaisant alliance avec notre identité profonde et millénaire. Nous pourrons alors vraiment dire, nous sommes des enfants de Savoie et réclamer notre bien : une Savoie libre et souveraine.

Cette réflexion s’inscrit dans le cadre de l’idée métapolitique essentielle que, face à la tentative de construire une structure politique mondiale qui prend de plus en plus un aspect orwellien et totalitaire, la réponse doit être locale, identitaire mais aussi spirituelle.
Nous avons tout intérêt, en tant que Savoisiens, à retrouver urgemment notre identité profonde. Celle-ci est liée à la relation multiséculaire de la Savoie avec la Maison de Savoie. Mais c’est aussi à une trahison qu’elle est désormais liée. C’est en prenant conscience de cet acte de trahison de la Maison de Savoie envers le peuple savoisien que nous pourrons renouer paradoxalement avec notre identité profonde. J’écris ces lignes un Vendredi Saint. L’Eglise naît des plaies du Crucifié. La nouvelle identité de la Savoie doit elle aussi naître et ressusciter de cette blessure profonde que fut la trahison de l’Annexion. Mais faut-il encore la connaître et la reconnaître.

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Il est donc impératif pour tout Savoisien de connaître l’histoire de l’Annexion en prenant conscience que celle-ci ne fut majoritairement pas voulue et que la situation historique réelle est infiniment éloignée de l’historiographie française d’une Savoie se donnant corps et âme à la France comme à son libérateur.

Les lignes qui suivent sont inspirées par le remarquable ouvrage du grand historien de la Savoie : Paul Guichonnet (1920-2018). Paradoxalement, il écrivit son ouvrage Histoire de l’Annexion de la Savoie à la France - Les dossiers secrets de l’Annexion, en réponse au mouvement grandissant de la Ligue Savoisienne dans les années 90 dont il déniait la légitimité, au moins sur le plan de la qualité des arguments historiques. Mais en faisant œuvre d’historien honnête, il découvre justement ce qu’il appelle la face secrète de l’Annexion. Il ne prend pas le risque de l’interpréter. C’est ce risque là que nous prenons en qualifiant tout le processus de l’Annexion du terme de trahison, et même de haute trahison du peuple savoisien.

Cette trahison fut finalement douloureuse aussi pour la Maison de Savoie qui finit par tout perdre. L’actuel duc de Savoie, Victor-Emmanuel, fils du dernier roi d’Italie Humbert II, habite à Genève et se revendique donc héritier du trône d’Italie que ses ancêtres ont patiemment conquis en trahissant la terre dont ils portent le nom. Les membres de la dynastie de Savoie ont été exilés par la république italienne fondée en 1948 sur les ruines du fascisme : « Il est interdit aux anciens rois de la Maison de Savoie, à leurs épouses et à leurs descendants mâles d'entrer et de séjourner sur le territoire national »
Cette interdiction a été levée en 2002 par Berlusconi.

L’Italie, en tant que nation, a donc été créée de toutes pièces par la Maison de Savoie. Cette histoire compliquée a longtemps fait passer aux yeux des Français les Savoisiens pour des Italiens. C’est en quelque sorte le contraire qui est vrai. Le drapeau du Royaume d’Italie jusqu’en 1948 porte cette appartenance à la Savoie puisque la Croix de Savoie y était apposée en son milieu.

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Mais pour créer ce Royaume d’Italie qui n’existait pas jusqu’en 1860, la Maison de Savoie se servit de la Savoie comme d’une vulgaire monnaie d’échange avec l’Empire français de Napoléon III.

C’est le résumé de cette histoire extrêmement complexe que vous allez découvrir ici.

L’entrevue secrète de Plombières, événement majeur de l’histoire savoisienne

Tout commence avec l’arrivée au pouvoir d’un homme convaincu par l’idée de l’unité italienne : Camillo Benso, Comte de Cavour. Le 4 novembre 1852, Victor-Emmanuel II, duc de Savoie, Roi de Piémont-Sardaigne, le nomme au poste de président du Conseil des ministres du Royaume de Piémont-Sardaigne. Ce franc-maçon sera la cheville ouvrière de l’unité italienne et de la trahison de la Savoie. Né à Turin, appartenant à la noblesse piémontaise, francophone, il n’utilise l’italien que dans ses apparitions publiques. Il a du sang salésien dans ses veines, sa grand-mère, Philippine de Sales est l’arrière-petite-nièce de Saint François de Sales. C’est pourquoi son bureau, sur lequel sera signé l’infâme Traité de Turin et où naîtront toutes ses machiavéliques manœuvres, est aujourd’hui encore visible au château de la famille de Sales à Thorens en Haute-Savoie.

Le complotisme est à la mode et les esprits forts nous expliquent qu’il ne faut pas y croire. Or, la grande histoire commence toujours dans les alcôves et les antichambres, par des tractations et des rencontres secrètes. C’est aussi le cas pour l’annexion de la Savoie !
Napoléon III rencontre le comte de Cavour à Plombières dans les Vosges où il était venu prendre les eaux. Cette entrevue a lieu dans le secret le plus absolu le 21 juillet 1858.
L’ensemble de la teneur de cette rencontre ne sera connue dans le détail qu’en 1928 !
Mais le principe en est très simple : Napoléon III accepte d’apporter son soutien militaire à Victor-Emmanuel II contre l’Autriche, qui occupe le Nord de l’Italie, en échange de la Savoie et de Nice. Cet accord secret devra être scellé par le mariage de la fille du duc, Clotilde de Savoie, au cousin de l’empereur, Jérôme Napoléon. L’actuel prétendant au trône impérial de France, Jean-Christophe Napoléon, est directement issu de cette union. Avant de livrer la Savoie, Victor-Emmanuel II cède sa fille qui jusqu’au dernier moment fit tout ce qui était en son pouvoir pour éviter le mariage avec un homme à femmes, volage et libidineux.
Cavour à son habitude agit dans l’ombre et força le mariage implacablement. Cette princesse Clotilde, si malheureuse et si méconnue des Savoisiens, est l’image de ce qu’allait devenir la Savoie : vendue et trompée.

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Cavour et Napoléon III complotent également sur l’événement qui déclenchera la guerre contre l’Autriche et qui pourrait être accepté par les puissances européennes sans trop de réactions !
Nous pourrions arrêter notre récit ici car l’entrevue secrète de Plombières détermine tout le reste, la bataille de Solferino, l’unité italienne et l’annexion de la Savoie en 1860. S’il y a un événement à retenir pour les Savoisiens ce sont ces accords secrets de Plombières qui conduiront de manière occulte tous les événements suivants. La Savoie est déjà vendue à la France ! Reste à réaliser l’unité italienne dans le sang et la fureur.
Le référendum truqué de 1860 n’aura pour but que de rendre légal cet accord secret, acte de haute trahison envers la Savoie dont Cavour est un fils.

Après la signature du traité d’alliance franco-sarde de janvier 1859 et la célébration du mariage de Clotilde de Savoie avec Jérôme Napoléon, toute l’Europe comprend qu’une guerre se prépare contre l’Autriche. La Russie, la Prusse et l’Angleterre essayent d’intervenir par la convocation d’un congrès international. Les députés savoisiens siégeant à Turin sont farouchement opposés à la guerre et comprennent, comme le marquis Pantaléon Costa de Beauregard, que la Savoie sera livrée à la France en échange.
Contre toute attente, le 21 avril 1859, l’empereur François-Joseph d’Autriche lance un ultimatum contre le gouvernement de Turin en exigeant le désarmement de la région et de licencier les volontaires qui s’étaient déjà engagés dans la perspective de la guerre prochaine. Croyant profiter de ses positions militaires lombardes, ne sachant rien des accords militaires entre la France et les Piémontais, il tombe dans le piège patiemment tendu par Cavour qui exulte en refusant l’ultimatum.

« Le 23 avril, la Chambre de Turin vote les pleins pouvoirs et le 26, Cavour remet au baron de Kellersberg le document par lequel il rejette l’ultimatum. Rayonnant, le Papa Camillo s’exclame : « Alea jacta est. Nous avons fait l’histoire. Et maintenant, allons dîner ! » Le 27 avril, les premières unités autrichiennes franchissaient la frontière du Tessin. » P. Guichonnet.

La bataille la plus meurtrière du dix-neuvième siècle, prélude aux immenses charniers du vingtième siècle, pouvait commencer.

(... suite dans un prochain article).


NB: Le texte publié ici fait partie d'une série d'articles publiés également sur Breizh-info.com



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