Les citadins aisés en rupture avec le peuple

Par Patrick AULNAS

17/07/2020

S’agit-il d’une simple impression ? La presse mainstream, les chaînes d’information, les émissions dédiées à l’actualité (type C’est dans l’air sur la Cinq) semblent refléter de plus en plus la vision des citadins. Et même des seuls citadins des grandes villes. Si vous résidez dans une petite commune de quelques milliers d’habitants, a fortiori en zone rurale, vous avez certainement le sentiment de faire partie des grands oubliés. Pire : vous ressentez sans doute une forme de mépris. L’avenir appartiendrait aux grandes villes, au logement collectif, aux grandes tours végétalisées, aux transports en commun bondés. Voire.

Courage, fuyons la ville !

Pour accepter le mode de vie des très grandes villes, il faut y avoir été conditionné dès l’enfance ou être soumis aux dures lois de l’économie. Mais la vraie vie est ailleurs. L’espace d’une maison individuelle et d’un jardin vaut mieux que les petites cases privatives des immeubles en copropriété. Les champs, les forêts, les chemins herbeux, les rivages côtiers, bref la nature véritable n’a strictement rien en commun avec les pitoyables créations architecturales couvertes de végétaux atrophiés.

Et malgré la propagande politique, qui pourrait prétendre que le métro ou le bus sont plus agréables que la voiture individuelle ? Vous avez vu beaucoup de politiciens ou de dirigeants de grandes entreprises emprunter les transports en commun ? Non, ils les préconisent pour le vulgum pecus mais utilisent leur voiture avec chauffeur et parfois leur jet privé. L’empreinte carbone réduite, c’est pour les autres.

Et ne venez surtout pas objecter qu’ils compensent en plantant des arbres ou en investissant dans les énergies renouvelables ! Ces mécanismes moralement odieux sont la transposition contemporaine du commerce des indulgences, qui permettait aux riches d’obtenir des prêtres catholiques la rémission de leurs péchés en versant des espèces sonnantes et trébuchantes. Honteux, inadmissible aujourd’hui !

Les cadres dirigeants et supérieurs possèdent d’ailleurs très fréquemment une résidence secondaire. Ils peuvent se permettre de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. L’exode d’un grand nombre de parisiens pendant le confinement a montré la duplicité du discours encensant la ville et ses avantages. Les malheureux qui y sont restés bloqués ont alors compris l’hypocrisie de ceux qui participent de près ou de loin à l’exercice du pouvoir politique ou économique. Par médias interposés, ils ont le monopole du verbe, mais sous la paille des mots, chacun a découvert le grain des choses : « Vous avez une chance inouïe de vivre dans une grande ville, mais moi j’ai le choix et à la première alerte, je décampe. » Morale de petite crapule opportuniste mettant son savoir au service des puissants, par intérêt, rarement par adhésion.

centrage photo

La vague verte, une pure invention de citadins riches

La détestable arrogance des citadins aisés est apparue à nouveau de façon caricaturale à l’occasion du deuxième tour des élections municipales. A l’annonce des résultats, il n’était question que de « vague verte ». Les écologistes avaient, soi-disant, remporté une grande victoire. Politiciens, journalistes, intellectuels de service étaient unanimes : l’écologie avait le vent poupe et venait de réussir une percée historique. Tous ces commentateurs habitent en général la capitale. Ils ne voyaient rien d’autre que leur environnement quotidien et leurs petites marottes intellectuelles concernant la fin du monde annoncée par l’idéologie en vogue. Aussi étaient-ils incapables de regarder la réalité en face : il n’y a jamais eu de vague verte que dans leur esprit embué.

Les écologistes ont certes conquis 7 des 42 villes françaises de plus de 100 000 habitants : Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Tours, Annecy et Besançon et Grenoble. Mais 7 sur 42, c’est une vaguelette. Et du fait de l’abstention massive, les résultats ne sont absolument pas significatifs politiquement.

Prenons l’exemple de Lyon pour le 2° tour, transposable aux autres villes :

InscritsAbstentionsBlanc et nulsSuffrages exprimésListe EELV-Gauche
278.791 173.531 3.985 101.275 53.070
% des suffrages exprimés52,40%
% des inscrits 100% 62,24%1,43%36,32%19,04%

62% des électeurs inscrits s’étant abstenus, la liste gagnante n’a obtenu que 19% des suffrages de ces inscrits. Or, cette liste résultait de l’alliance de 9 partis politiques : Europe Écologie Les Verts, La France insoumise, Gauche républicaine et socialiste, Ensemble !, Mouvement républicain et citoyen, Parti socialiste, Parti communiste français, Génération·s, Place publique, Nouvelle Donne. Il s’agit donc tout simplement d’une coalition des partis de gauche et d’extrême-gauche bâtie sur l’impopularité d’Emmanuel Macron et le rejet de Gérard Collomb, ancien maire de Lyon et ministre de l’Intérieur de Macron.

Cette victoire à Lyon traduit surtout un opportunisme écologiste. EELV a fait feu de tout bois pour l’emporter dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Petite victoire mais grand tapage médiatique.

En élargissant la focale sur les 3 168 villes qui comptent plus de 3 500 habitants, EELV n’en a remporté qu’une trentaine, soit moins de 1%. Et en considérant les presque 35 000 communes de France, le score écologiste devient vraiment pitoyable puisque l’élection n’est pas politisée dans les petites communes.

La rupture avec le peuple de France

Selon l’INSEE, la population française se répartit comme suit en fonction de la densité de population :

Les deux-tiers des français résident donc dans des petites communes. Ils ont un mode de vie auquel ils tiennent et que les priorités écologistes ne peuvent que dégrader. Mais les catégories socio-professionnelles supérieures vivant dans les grandes villes monopolisent la parole et déforment la réalité en choisissant les thèmes jugés par elles importants et correspondant à leur intérêt. La connivence entre politiciens, journalistes et cadres est de plus en plus apparente et de plus en plus mal supportée. La condescendance affichée de ces catégories envers « les territoires », qui représentent pourtant l’essentiel du pays, révèle un entre-soi insupportable. Le vocabulaire de l’énarchie, repris sans aucun esprit critique par les médias, dénote, sous couvert d’objectivation, un mépris qui conduit à une rupture profonde entre ceux qui décident ou commentent et l’écrasante majorité, qui subit leurs diktats sans y adhérer.

Le risque politique ne cesse de croître. Alors, réveillez-vous, décideurs petits et grands ! Parlez des français et de leurs préoccupations, pas de vos angoisses de fin du monde. Méprisez la créativité linguistique hasardeuse, souvent totalement ridicule, de l’énarchie. Ne vous comportez pas en donneurs de leçons dans un monde dont personne, et surtout pas vous, ne connaît l’avenir.

Texte original publié le 17 juillet 2020 sur rivagedeboheme.fr
Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.


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